Voici un article concernant notre bonne ville de Dinant, article relatant une journée non pas glorieuse, mais tout au moins surprenante. Ce récit est tiré de « Analectes pour servir à l’histoire de la ville de Dinant » par Edouard Gérard, alors candidat en droit et imprimé en 1901 sur les presses de Jacques Godenne à Namur.
A tort ou à raison, les Dinantais depuis longtemps déjà, passent pour les Béotiens de la Belgique et le surnom de « copères » qui rappelle cependant les pages les plus glorieuses de l’histoire de leur coquette petite cité, est devenu dans la bouche de leurs voisins et dans celle des étrangers, synonyme, sinon de niaiserie, tout au moins de naïveté. Et vraiment, ne semble-t-il pas que lorsqu’on entend prononcer ce mot de « copère », un sourire rapide doive se glisser sur les lèvres ? Car il évoque, n’est-ce pas, toutes ces joyeuses histoires dont on fait les gorges chaudes au dépens de ces « bons » dinantais : la corde de laine, le saumon à sonnette, l’héroïque conduite des frères Guinguet au pas Bayard, la joyeuse entrée à Dinant de Léopold Ier. Et combien d’autres encore, car j’en passe et des meilleures... Il en est une cependant qui, en ce dernier siècle, semble avoir obtenu une faveur plus marquée parmi les gens qui aiment à rire à nos dépens. C’est ..... comment dirais-je donc ? ... l’histoire de cette fameuse avalanche de .... d’une nouvelle espèce de lave comme disait plaisamment le rapport de la commission médicale de l’époque. Est-ce parce que de sa nature elle était un peu grasse qu’elle obtint pareil succès ? Je ne sais. En tout cas, je serai prudent, je crois, en n’approfondissant pas davantage, il est de ces chose qu’il ne faut pas trop remuer... On l’a, cette histoire, contée de tant de façons différentes, on l’a agrémentée de tant de détails imaginaires, qu’elle semble être en quelque manière, sortie du domaine des faits pour entrer dans celui de la légende. Il ne sera donc pas sans utilité de fixer ce point d’histoire ; car je tiens à le faire remarquer, c’est de l’histoire. Les W.C. du château se trouvaient depuis de longues années placés au-dessus d’une citerne ou casemate immense dans laquelle étaient en outre dirigées toutes les eaux pluviales et de lavage. En 1837, on s’était aperçu que la citerne était presque remplie et on avait détourné les eaux ; mais bientôt la nécessité de la vider se fit sentir ; or, au bas de la fosse d’aisance se trouvait dans le rocher, sous les murs du château, une grande cavité, mais à la hauteur d’environ deux cent pieds. Le projet était d’amener le contenu de la citerne dans cette cavité et des ouvriers avaient mis la main à l’œuvre. Heureusement pour eux, ils étaient absents au moment de la débâcle qui eut lieu le 21 juillet 1838, vers dix heures du matin. Elle était tellement abondante qu’en un instant la fameuse grotte fut remplie, ensuite le torrent se déversa sur la montagne, sur les escaliers du château, sur la place Notre-Dame et dans les rues adjacentes. Un canonnier qui se trouvait sur les escaliers du fort fut emporté et ne fit qu’un saut dans la Meuse sans éprouver le moindre mal ! Je n’invente pas, ce sont les propres termes du rapport officiel. Les marchandes qui se trouvaient en assez grand nombre au marché, n’eurent pas le temps d’enlever leurs légumes. Les immondices s’élevèrent assez haut pour entrer dans les maisons et plusieurs caves en furent remplies. L’on conçoit aisément les agréables senteurs que devait dégager au fort de l’été cette lave d’une nouvelle espèce, la ville était empestée. D’après le rapport officiel : « La puanteur était telle que l’on ne comprend pas comment un grand nombre de personnes n’ont pas été incommodées. » Le premier moment de stupeur passé, tout ce qu’il y avait de bras disponibles, tous les seaux de la ville furent réquisitionnés ; les pompes de la ville et du château furent mises en œuvre et on procéda à un lavage comme de mémoire d’homme il ne s’en était vu. Ce n’était pas mince affaire que ce nettoyage, aussi pour avoir raison des miasmes délétères que dégageait le bourbier, les travailleurs durent avoir recours aux liqueurs fortes si bien que le soir tous étaient ivres, sans excepter les hommes de la garnison et leur commandant, le lieutenant du génie, Wittemberg. Aussi, « le soir, il y avait un peu confusion » dit le rapport. L’administration avait ordonné que le lendemain on répandit du tan et de la chaux sur tous les endroits qu’avait occupé la veille la matière fécale. Par malheur, les pochards ne se sentaient guère d’humeur à reprendre le travail et le nettoyage du jour précédent n’avança guère. L’avocat V. Lion du, au nom de la population, envoyer une lettre de protestation au bourgmestre d’alors, M. Gérard Pirson pour obtenir l’accélération des travaux d’assainissement. Disons-le immédiatement, l’administration ne pouvait être mise en cause, elle avait fait le nécessaire ; c’était surtout le mauvais vouloir du lieutenant Wittemberg et de ses hommes qui faisait perdurer une situation dangereuse au point de vue de l’hygiène publique. On alla même accuser le commandant du château d’avoir été la cause volontaire de cet accident fâcheux, mais cocasse. La commission médicale locale présenta un rapport dans lequel énumérait toute une série de précautions à prendre pour prévenir les épidémies toujours possibles surtout si le nettoyage ne se faisait pas d’une façon sérieuse, et conseillait à l’administration d’interdire la continuation des travaux commencés, qu’on pourrait reprendre à l’époque des gelées. Ce qui fut fait et l’accident n’eut en somme aucune suite fâcheuse. Voilà, d’après les documents officiels, l’historique de cette inondation sans précédent. On aura vu sans doute dans Jean de Stavelot qu’au XVe siècle les Dinantais, de concert avec l’évêque de Liège, assiégeant le château de Bouillon, pour avoir raison des assiégés, remplirent des tonneaux de leurs excréments et les lancèrent dans la forteresse. On peut, ce me semble, faire de tout ceci une application du proverbe : « Ne faites pas à autrui... etc ». Le truc de guerre inédit des Dinantais devait avoir pour corollaire, presque à cinq cents ans d’intervalle, une avalanche qui probablement n’aura jamais sa pareille. C’est égal si nos ancêtres avaient su ... !
1 commentaire:
Pas mal
Joel
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